LA LANGUE KHMÈRE
Intro
Tout d'abord, le khmer n'est pas une langue tonale. Et sa grammaire et ses temps sont très basiques par rapport aux langues latines. Ainsi, à l'exception de l'alphabet, il est assez facile d'apprendre la langue khmère oralement. Aussi, il n'y a pas d'espace entre les mots, sauf en fin de clause ou de phrase.
Ensuite, les voyelles peuvent se placer après, avant, sur ou sous la consonne qu'elles suivent. À cela, les consonnes se divisent en deux groupes. Le premier groupe porte la voyelle inhérente /ɑː/ tandis que le second porte la voyelle /ɔː/. Les noms khmers des groupes "aphone" et "voisé", montrent que l'on employait les consonnes du second groupe pour les phonèmes voisés du vieux khmer. Mais comme le ton des arrêts s'est perdu, le contraste s'est déplacé vers la phonation des voyelles liées. À leur tour, elles ont évolué en une simple différence de qualité vocale, souvent par fracture vocalique. Ce processus a conduit l'écriture khmère à avoir deux symboles pour la plupart des phonèmes consonants. Aussi, chaque voyelle a deux lectures possibles, selon le groupe de la consonne en question.
Enfin, une syllabe khmère commence par une, ou par un groupe de deux, et rarement trois, consonnes. Les seuls groupes de trois consonnes possibles sont /str/,/skr/,/sth/, et /lkh/. Au total, nous comptons 85 groupes de consonnes doubles possibles.
Zone
Bien-sûr, la langue khmère fait partie des familles de langues d'Asie du Sud. Mais de façon plus précise, du groupe austro asiatique, aussi connu sous le nom de Mon Khmer. Si ce dernier est peu répandu, la langue khmère semble en être la principale langue. De plus, dans ce groupe, seuls le vietnamien, le Mon et le Khmer ont une longue histoire retracée. Aussi, le khmer a le statut officiel de langue nationale moderne. Comme il n'est parlé qu'au Cambodge, on compte un peu plus de 16 millions de locuteurs khmers. Mais, c'est aussi une langue mineure en Thaïlande et au Vietnam, deux pays voisins. Ceci est dû à l'ex empire khmer qui jadis couvrait une grande partie de ces États. Ainsi, l'écriture khmère ressemble à celle du thaï et du lao, tous deux issus du système khmer.
Racines
Si vous vous êtes déjà penché un peu sur la question, vous aurez noté que le khmer dérive du sanskrit. Et ce, tant pour la langue elle-même que la culture khmère et sa religion. En effet, la calligraphie khmère ressemble un peu au sanskrit. D'ailleurs, de nombreux textes sanskrits sont encore gravés dans la pierre dans certains temples d'Angkor. La plupart du temps, ce sont les plus anciens textes trouvés dans le pays, datant de près de 1 500 ans. La plupart sont en fait du vieux khmer, un mélange de khmer moderne et de sanskrit, et non du sanskrit pur. Ainsi, l'écriture khmère puise ses racines de l'Inde, et c'est pourquoi certaines lettres sont similaires au khmer moderne, tandis que d'autres sont très différentes. Beaucoup peuvent lire un peu de vieux khmer, non sans efforts. Mais le lien entre le khmer et le sanskrit est plus profond.
ÉVOLUTION
Par le sanskrit
La langue khmère serait née il y a 3 000 ans, chez les peuples établis dans l'actuel Tonkin, au nord du Vietnam. Il n'y avait aucune écriture mais seulement une langue orale. Plus tard, des marchands sont venus du sud de l'Inde dans la région du nom de "Funan", vers 200 avant notre ère, et y vendaient leurs produits. Avec eux, ils ont apporté l'ancienne forme d'écriture sanskrit dite Pallava Grantha (issue du Brahmi). Comme ils s'y sont installés, à leur contact, le peuple khmer commença à apprendre l'écriture et la religion des Indiens. À l'époque, l'influence principale était le brahmanisme. Ainsi, avec Shiva et Vishnu, Brahma est le troisième dieu le plus commun dans la culture khmère. De ce fait, la plupart des temples d'Angkor étaient dédiés à ces dieux. Le sanskrit a ensuite donné aux Khmers un lexique religieux, culturel et royal. Ainsi, "Râja" devint "Reacha" (roi).
Par le pali
Le pali a ensuite joué un rôle majeur dans l'adoption du bouddhisme qui remplaça l'hindouisme comme religion d'État. Cela se situe à partir du 14ème siècle, après une longue période de conflit entre les deux religions. Le pali est depuis devenu la langue liturgique du Cambodge. On le retrouve notamment dans le lexique employé par les moines.
Par le thaï
La venue des Thaïs, puis des Français, a conduit la langue khmère à muer à nouveau en empruntant à chaque fois une partie de leur lexique. D'ailleurs, pour sa part et selon les experts, le thaï aurait d'abord emprunté au khmer près de la moitié de son lexique, lorsque l'empire d'Angkor couvrait une partie de l'actuelle Thaïlande.
Par le français
Nombre de mots français ont enrichi le khmer sous l'Indochine. C'est surtout le cas dans le bâtiment et la mécanique. Ainsi, on entend souvent des mots comme "ciment", "labo", "évier", "bouzie", ou "compteur". Et ce n'est pas tout. En effet, cette première concerne aussi les unités de mesure, comme "mètre", "litre" ou "kilo". Ensuite, avec les autorités, comme "gendarmerie" ou "poli". Puis, en pâtisserie, comme "croissant", "biscuit" ou "socolat". Si certains de ces exemples semblent étranges, c'est parce que les Khmers coupent souvent certains mots. Par exemple, "police" devient "poli", "lavabo" devient "labo", et "kilomètre" devient "kilo". De même que "massa" pour "massage". Et ainsi de suite. Aussi, l'immense majorité des pays se prononcent en français. Mais curieusement, pas "France". Afin d'obtenir une liste de mots français que les Khmers emploient toujours au quotidien, veuillez cliquer sur ce lien.
Par l'anglais
Depuis quelques années, l'anglais s'invite de plus en plus dans la langue khmère, en raison des nouvelles technologies.
DIALECTES
Les dialectes khmers sont assez marqués et on en trouve des variations notables. Ainsi, il peut être difficile pour un locuteur khmer Krom du Vietnam de parler avec un natif de la province de Sisaket en Thaïlande. Bien-sûr, les groupes ethniques ont aussi leur propre dialecte. C'est le cas des Bunong, qui sont le plus grand groupe ethnique indigène du pays.
Le khmer de Phnom Penh
Comme son nom le suggère, il se parle dans la capitale. Tout d'abord, une fusion complète des syllabes le caractérise. "Phnom Penh" peut alors devenir "m'Penh". Aussi, le /r/ tombe souvent. Ainsi, l'on emploie un ton "trempé" pour les voyelles. Par exemple, certaines personnes prononcent trey (poisson) comme /tey/.
Le khmer standard ou moderne
C'est là le dialecte le plus officiel, enseigné dans les écoles et que les médias diffusent.
Le khmer Khe
Quelques ethnies le parlent dans les régions du nord, dans les vallées des rivières Se San, Srepok et Sekong des districts de Se san et Siem Pang dans la province de Stung Treng. L'on suppose que les Khmers Khe qui y vivent viennent en fait du Laos. En effet, après le déclin d'Angkor, les Khmers fuirent leurs territoires du nord, que les Lao ont ensuite colonisés.
Le khmer Surin
Ce terme désigne les dialectes parlés par de nombreuses personnes dans les zones de la Thaïlande voisines. Les autres dialectes tonaux lao et thaïlandais l'ont influencé et donné un accent distinct. Il présente aussi des différences de lexique et phonémiques, tant au niveau des voyelles que des consonnes. La syllabe finale /r/, muette dans les autres dialectes khmers, est toujours prononcée en khmer surin. Certains linguistes le classent comme une langue distincte étroitement liée plutôt que comme un dialecte.
Khmer Loeu
Un petit nombre de personnes dans les Cardamomes parle le Khmer Loeu, aussi nommé Khmer des Cardamomes ou Khmer de Chanthaburi. Il s'agit du dialecte le plus archaïque, unique en ce qu'il maintient un système défini de registre vocal qui a quasiment disparu chez les autres dialectes du khmer moderne.
Khmer Krom
Pour écouter le Khmer Krom, il faut rencontrer les Khmers natifs du delta du Mékong. Si l'on ne sait pas grand-chose de ce dialecte, c'est surtout le vietnamien qui l'influença. Il a un accent très prononcé, une tendance aux mots monosyllabiques et des différences lexicales notables par rapport au khmer standard.
DE NOS JOURS
Héritage
Selon les sources, près de 2/3 de sanskrit composent le khmer moderne. Mais à l'écoute du khmer moderne parlé, il n'y a aucun lien évident avec l'hindi. Ni avec le pali (du Sri Lanka) qui serait le premier parent du khmer. À juste titre, le peuple khmer est très fier de sa culture et de son identité. Si la plupart ne sont pas conscients des racines sanskrites du khmer, ils emploient pourtant certains mots sanskrits quotidien. Par exemple, krawbei signifie buffle d'eau. De même que les mots mer et océan sont les mêmes en sanskrit, en hindi et en khmer. Mais les fiers habitants peuvent s'offusquer à cette idée.
Accès à l'éducation
Beaucoup de Khmers ne savent encore pas écrire. Mais comme le pays est en plein essor, ils ont maintenant accès à l'éducation et à la haute technologie et sont assez familiers avec les outils numériques. Même les villages pauvres de campagne sont désormais en mesure d'assurer des classes informelles. Et pour les plus pauvres, il peuvent se rendre à la pagode où les moines dispensent un enseignement gratuit. Cependant, certaines personnes restent analphabètes et le taux d'illettrisme était de près de 20% en 2019.