LA LANGUE BAHASA
Intro
Comme le malais, la langue bahasa est une langue austronesienne, parmi mes 1.267 autres, ce qui en fait le 2ème groupe linguistique au monde. Aussi, c'est la langue officielle de l'Indonésie.
Comme mentionné dans le post dédié au malais, ces deux langues sont très proches. Et ce, parce que le bahasa est une variante du malais. Celui-ci est utilisé comme lingua franca dans l'archipel multilingue depuis des siècles. Le pays est le 4ème plus peuplé du monde, ce qui fait de sa langue l'une des plus parlées.
Notez aussi qu'il n'est pas difficile de l'apprendre. En effet, il n'y a ni temps, ni genre, une seule forme de pronoms et chaque lettre se prononce.
Dialecte majeur de la région
Le fait que cette langue touche des centaines de millions de personnes induit de nombreux dialectes. Certains d'entre eux sont assez célèbres. La plupart des gens parlent au moins l'un des plus de 700 dialectes locaux au quotidien. Parmi les plus connus on trouve le javanais, le soundanais, et le balinais. Mais le bahasa reste la langue que les médias, l'école, le domaine juridique et public, etc, utilisent. Bien sûr, il est l'un de ces dialectes, mais il en est le principal. Ainsi, le terme "indonésien" englobe en fait toutes les langues de cette partie du monde.
ÉVOLUTION
Vieux malais
Le bahasa est une variété standard du malais de Riau qui est une forme de malais classique des cours royales des sultanats de Johor et de Malacca. Pendant près de 500 ans, le nord est de Sumatra fit du malais sa lingua franca. Les linguistes considèrent donc l'ancien malais comme son ancêtre.
Racines
Les échanges commerciaux qui existaient entre les différents ethnies de l'époque ont permis au vieux malais de se répandre.
Le bahasa partage la même base que le malais standard. Mais il s'en distingue en divers aspects : dans le parler et le lexique. Ceci est dû au hollandais et à la langue de Java qui l'ont beaucoup affecté.
Le malais malaisien se veut plus proche du malais des siècles passés même si certains doutes subsistent. En effet, l'on ne sait toujours pas qui du haut malais (malais de cour) ou du bas malais (malais de bazar) est le réel parent du bahasa. D'une part, la cour du sultanat de Johor parlait le haut malais, ce qui reste le cas à Riau Lingga. D'autre part, le bas malais se trouve surtout dans les marchés et les ports.
L'ère hollandaise
Lorsque la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC) s'installa, le malais dominait aussi bien en commerce qu'en politique. Mais comme il se limitait à l'activité mercantile, les locaux ne l'ont jamais vraiment adopté.
Quoi qu'il en soit, la VOC garda le malais pour le commerce. Mais elle fit faillite et la République de Batavia prit le contrôle de la colonie dès 1799. Le hollandais cessa alors de se répandre dans la colonie. Et ce, alors que les dirigeants hollandais eux-mêmes étaient peu enclins à promouvoir leur langue à l'inverse des autres régimes coloniaux. Le hollandais est donc resté la langue d'une petite élite. C'est ainsi qu'en 1940, seuls 2% de la population le parlaient. Mais pendant l'ère coloniale, le malais absorba une grande partie du lexique hollandais. Et donc, le bahasa aussi.
NAISSANCE
Une vision hollandaise étrange
Le mouvement qui donna au bahasa son statut de langue nationale rejeta le hollandais dès le départ.
Le rapide retrait du hollandais n'était pas habituel par rapport aux autres pays colonisés. En effet, en principe, les locaux gardent la langue coloniale. Et ce, dans divers domaines clés tels que la politique, l'école, la haute technologie, etc. Enfin, tant la politique hollandaise elle-même que les nationalistes expliquent la facilité avec laquelle l'Indonésie rejeta la langue de l'ancienne puissance coloniale. À l'inverse des Français ou Espagnols, qui s'efforçaient au mieux d'assimiler les locaux, les Hollandais n'ont pas cherché à diffuser leur langue.
Enfin, le seul fait de toujours refuser de fournir une éducation aux locaux en a bloqué la diffusion. En fin de compte, ils sont tombés dans leur propre piège. Et ce, car les Hollandais voulaient empêcher les locaux d'accéder à un statut social plus élevé via leur culture. Ainsi, jusque dans les années 1930, le malais put se répandre rapidement dans cette partie du monde.
À cette époque, le hollandais couvrait presque tous les aspects car les forums officiels en exigeaient l'emploi. En parallèle, l'emploi du bahasa comme langue nationale fut accepté dès 1928 comme l'un des outils de la lutte pour l'indépendance. Sauf que les autorités ont estimé à tort que le bahasa n'était pas assez fort. Ainsi, certaines protestations locales ont permis au bahasa de s'imposer à partir de 1938. Il était alors déjà trop tard lorsqu'ils ont essayé des stopper sa diffusion dans les écoles. De plus, le Japon interdit le hollandais lorsqu'il conquit le pays. Quelques années plus tard, les locaux eux-mêmes l'ont aboli en faveur du bahasa.
Évident ou pas
Le pays choisit le bahasa comme langue officielle dès son indépendance en 1947, bien qu'il était encore faible. À cette époque, 45% des habitants parlaient le javanais et 15% le soundanais. Le javanais était alors la principale langue en politique, économie, à la cour, de la religion et de la tradition littéraire.
Il lui manquait toutefois ce pouvoir d'unifier le pays. En effet, avec des milliers d'îles et des centaines de dialectes, le pays se cherchait une langue nationale. Et ce, de sorte à ce que tous puissent la parler et qu'elle ne favorise pas une ethnie ou une autre. En fait, la langue bahasa est apparue avec le temps. Les locaux la connaissaient en partie depuis près de 1 000 ans. De plus, c'était la langue du sultanat de Brunei et de la future Malaisie, où les nationalistes étaient virulants. Tout cela lui permit enfin de s'imposer.
Grâce à un programme linguistique, le bahasa devint la langue de la politique, de l'éducation et de la nation en général. Il est ainsi devenu l'une des rares histoires d'une langue locale qui s''imposa à celle des colons.
De nos jours, il est bien ancré et reste la langue de l’État, de l'éducation, du progrès et de la mobilité sociale. Et ce, bien que la plupart des locaux l'emploient comme seconde langue.